La famille Mulliez : histoire, puissance et secrets du plus grand empire familial de France

Peu connue du grand public, la famille Mulliez règne pourtant sur un empire économique tentaculaire. À travers des enseignes comme Auchan, Decathlon, Leroy Merlin ou Kiabi, elle est présente dans le quotidien de millions de Français. Cette dynastie originaire du Nord a bâti, en toute discrétion, le plus grand groupe familial français.

Des origines textiles à la grande distribution

Tout commence à Roubaix au début du XXe siècle. La famille Mulliez prospère dans le textile, notamment avec Phildar. En 1961, Gérard Mulliez fonde le premier supermarché Auchan, inspiré du modèle américain. Il lance alors une stratégie audacieuse : placer autour d’Auchan d’autres enseignes spécialisées, pour former un centre commercial complet. Ce concept se révèle visionnaire.

L’AFM : une organisation familiale unique

En 1955, la famille crée l’AFM (Association Familiale Mulliez). C’est une structure juridique et morale qui encadre tout l’empire. Le principe fondateur : le « tous dans tout ». Chaque membre détient une part de chaque entreprise, garantissant l’unité et empêchant les conflits d’héritage.

Des règles strictes s’appliquent à l’entrée dans l’AFM. Il faut travailler, se former, et participer à la vie familiale. Deux fois par an, plus de 1000 membres se réunissent pour échanger, voter, décider. Un modèle unique en France, mêlant capitalisme et esprit de clan.

Un empire économique hors normes

La galaxie Mulliez regroupe aujourd’hui plus de 130 enseignes, toutes juridiquement indépendantes, mais liées par l’AFM. On y retrouve :

  • Auchan (distribution)
  • Decathlon (sport)
  • Leroy Merlin (bricolage)
  • Kiabi, Jules, Pimkie (mode)
  • Norauto, Midas (auto)
  • Boulanger (électroménager)
  • Flunch, Pizza Paï (restauration)

Ces entreprises emploient plus de 800 000 personnes dans le monde, pour un chiffre d’affaires cumulé supérieur à 90 milliards d’euros.

Une culture d’entreprise rigoureuse et discrète

Les valeurs de la famille sont claires : humilité, rigueur, solidarité. Chaque société est dirigée par un duo : un PDG professionnel et un président membre de la famille. Les décisions sont collégiales. La religion catholique imprègne l’esprit du groupe, avec un goût marqué pour la discrétion. Une maxime résume tout : « Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit ».

Une stratégie d’expansion internationale

Le groupe s’est rapidement tourné vers l’international. Auchan, Leroy Merlin ou Decathlon sont présents en Europe, en Russie, en Asie. Certaines décisions font débat, comme le maintien d’activités en Russie malgré la guerre en Ukraine.

Le groupe investit aussi dans de nouveaux domaines : la data (Valiuz), la relation client (Foundever), ou encore le capital-investissement via des fonds familiaux.

Optimisation fiscale et controverses

Une partie de la famille réside en Belgique. Cela permet d’optimiser la fiscalité via des holdings internationales. Ces pratiques, bien que légales, ont été critiquées : certains membres auraient payé moins de 150 € d’impôt sur des millions de revenus.

Le groupe a également été pointé du doigt pour des pratiques opaques à l’international, notamment en Ukraine. Malgré cela, la structure familiale reste stable et performante.

Conclusion : un modèle capitaliste à part

La famille Mulliez incarne un capitalisme familial discret, puissant, cohérent. Elle combine traditions, foi, et stratégie long terme. Face à un monde en quête de transparence, son modèle interroge. Est-ce une réussite à copier, ou un paradoxe à questionner ? Une chose est sûre : en France, aucun autre groupe familial ne lui arrive à la cheville.