Théorie du ruissellement : mythe persistant ou réalité économique ?

Selon une idée souvent reprise dans le débat public, enrichir les plus riches permettrait à l’ensemble de la population d’en profiter. Ce principe, connu sous le nom de théorie du ruissellement, a inspiré plusieurs politiques économiques depuis les années 1980. Mais cette théorie résiste-t-elle à l’épreuve des faits ?

Une promesse aussi simple que séduisante

Le ruissellement repose sur une idée intuitive : si les plus riches voient leurs revenus augmenter, ils consommeront et investiront davantage, ce qui profitera à l’économie dans son ensemble. Cette logique est souvent invoquée pour justifier des baisses d’impôts ciblées ou des politiques pro-riches.

Une métaphore, pas une théorie scientifique

Le terme « trickle-down economics » remonte aux années 1930, dans la bouche de l’humoriste américain Will Rogers. Il a ensuite été popularisé dans les années 1980, notamment sous les présidences de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni. En France, il revient régulièrement dans le débat, bien qu’il ne soit presque jamais revendiqué directement par ses défenseurs.

Trois grands arguments des partisans du ruissellement

  • Les riches consomment plus : leur pouvoir d’achat supplémentaire stimulerait la demande.
  • Les riches investissent plus : leur épargne favoriserait la création d’entreprises et d’emplois.
  • Trop d’impôt décourage le travail et l’investissement : c’est l’argument de la fameuse courbe de Laffer.

La courbe de Laffer : séduisante mais imprécise

La courbe de Laffer illustre l’idée qu’au-delà d’un certain seuil, augmenter les impôts pourrait réduire les recettes fiscales en décourageant l’activité. Cependant, en pratique, il est très difficile d’identifier ce seuil. De nombreuses études remettent en question sa pertinence pour les revenus les plus élevés.

Ce que disent les études économiques

Les recherches empiriques contredisent largement la théorie du ruissellement. Des institutions comme la London School of Economics ou France Stratégie ont montré qu’il n’existe aucune corrélation claire entre réduction d’impôts pour les plus riches et croissance économique.

En revanche, ces politiques sont associées à une hausse significative des inégalités et à une stagnation des revenus pour les classes moyennes et populaires.

Des conséquences concrètes mais peu discutées

Dans certains cas, comme au Kansas, les baisses massives d’impôts ont entraîné un effondrement des recettes publiques, provoquant des coupes budgétaires dans l’éducation, les infrastructures et la santé.

Par ailleurs, ces choix politiques réduisent les marges de manœuvre des États pour investir dans la transition écologique ou lutter contre la pauvreté.

 

Conclusion : une idée qui persiste malgré les faits

La théorie du ruissellement continue de séduire par sa simplicité. Mais les données montrent qu’elle repose davantage sur un espoir que sur une réalité économique. Elle masque souvent des intérêts bien précis, au détriment de la cohésion sociale.

Dans un monde confronté à des inégalités croissantes et à des urgences écologiques, il devient essentiel de fonder les politiques économiques sur des preuves solides plutôt que sur des slogans séduisants.