Ankama : du jeu vidéo à l’animation, la success story française qui défie les géants

Depuis plus de 20 ans, Ankama s’impose comme un acteur incontournable du jeu vidéo et de l’animation en France. Fondé en 2001, ce studio a révolutionné l’industrie avec un modèle économique unique, basé sur la créativité et l’innovation. De Dofus, son MMORPG phare, à Wakfu, son univers transmédia, Ankama a su bâtir un empire indépendant, défiant les géants du secteur. Retour sur une aventure hors du commun.

1. Une naissance ambitieuse et un premier succès fulgurant

Ankama voit le jour en 2001 à Roubaix, fondé par Anthony Roux, Camille Chafer et Emmanuel Darras. À ses débuts, l’entreprise est une simple agence web, spécialisée dans le design et le marketing digital. Mais les trois fondateurs nourrissent une ambition plus grande : créer un jeu en ligne accessible et innovant. Avec un budget modeste d’environ 100 000 à 150 000 euros, ils développent Dofus, un MMORPG au style inspiré des mangas.

Le pari est audacieux. À une époque où les MMORPG sont dominés par des mastodontes comme World of Warcraft, Ankama choisit un modèle différent : un jeu en 2D isométrique, au gameplay stratégique et à l’univers coloré. Le bouche-à-oreille et une forte communauté propulsent rapidement le jeu, qui atteint plus de 2,5 millions de joueurs actifs par mois à son apogée. Son modèle économique repose sur un abonnement mensuel accessible, ne dépassant pas 48 euros par an, rendant le jeu attractif pour un large public.

2. Le développement d’un empire transmédia

Forte du succès de Dofus, Ankama ne se contente pas du jeu vidéo et décide d’explorer d’autres horizons. Le studio lance une série de bandes dessinées et de romans autour de son univers, qui se vendent à plus d’un million d’exemplaires. L’idée est simple : enrichir l’univers de Dofus et proposer aux fans une expérience plus immersive.

En 2008, Ankama franchit une nouvelle étape avec la sortie de Wakfu, une série animée se déroulant dans l’univers du jeu. Diffusée sur France 3, la série connaît un succès immédiat grâce à une animation soignée et une narration travaillée. Contrairement à de nombreux studios, Ankama produit tout en interne, maîtrisant l’ensemble du processus créatif. Ce modèle lui permet de conserver une indépendance totale sur ses licences.

Wakfu s’accompagne d’un jeu vidéo, un MMORPG destiné à étendre l’univers et à fidéliser la communauté. Bien que son lancement soit compliqué, il finit par trouver son public et bénéficie encore aujourd’hui de mises à jour régulières. La franchise Wakfu ne s’arrête pas là : en 2020, une campagne de financement participatif permet de financer la saison 4 de la série animée. Face au succès de cette initiative, Ankama annonce en 2024 une cinquième et dernière saison prévue pour 2027-2028.

3. Un modèle économique unique et une stratégie atypique

Contrairement aux grands éditeurs de jeux vidéo qui investissent massivement dans le marketing, Ankama adopte une stratégie radicalement différente : zéro budget publicitaire. Toute son énergie et ses ressources sont consacrées à la création de contenu. Selon Anthony Roux, PDG du studio, ce choix permet à Ankama de privilégier l’authenticité et la fidélité de sa communauté.

Le modèle économique repose sur un subtil équilibre entre abonnements, ventes de produits dérivés et financements participatifs. Cette approche permet à Ankama de maintenir une autonomie totale, refusant ainsi plusieurs offres de rachat, dont une par Disney en 2006. Grâce à cette indépendance, le studio conserve un contrôle total sur ses licences, une rareté dans le milieu du jeu vidéo.

4. Les défis et échecs d’Ankama

Si Ankama a connu des succès retentissants, l’entreprise a aussi dû affronter des défis majeurs. Plusieurs projets ambitieux n’ont pas rencontré le succès escompté, comme IG Magazine, un magazine dédié au jeu vidéo, qui cesse sa publication en 2013 après des pertes de 250 000 dollars. De même, le jeu Slage, pourtant prometteur, est annulé après un investissement de plus de 2 millions de dollars.

Le studio a également été confronté à des tensions internes. Dès 2014, des employés témoignent de conditions de travail difficiles et de conflits internes. En 2024, le tribunal de Lille condamne Ankama pour procédures abusives contre ses employés, un coup dur pour son image. Ces difficultés n’ont cependant pas empêché le studio de poursuivre son développement et d’explorer de nouveaux projets.

5. Quel avenir pour Ankama ?

Malgré ces épreuves, Ankama continue d’innover et d’évoluer. Plusieurs projets sont en cours, notamment une nouvelle saison de Wakfu, des jeux mobiles pour s’adapter aux tendances du marché, et des collaborations avec des plateformes de streaming pour élargir son audience.

Le studio reste attaché à Roubaix, où il a installé son siège dans une ancienne usine textile transformée en hub créatif. Toutefois, avec l’ouverture d’un studio au Canada, Ankama semble prêt à s’internationaliser davantage.

 

Conclusion : une success story à la française

Ankama incarne une vision unique du jeu vidéo et de l’animation en France. Son modèle basé sur la création indépendante, l’absence de publicité et l’exploitation intelligente du transmédia lui a permis de s’imposer face aux géants du secteur. En refusant d’être racheté et en privilégiant l’authenticité, le studio a su bâtir un empire culturel durable.

Si les défis restent nombreux, notamment face aux évolutions du marché et aux attentes des joueurs, Ankama a prouvé qu’il était possible de réussir sans compromis. Avec une cinquième saison de Wakfu en préparation et de nouveaux projets en gestation, l’avenir du studio s’annonce prometteur. Reste à voir s’il saura relever les défis de demain tout en conservant son ADN créatif.