Le rugby est-il dangereux ?
Récemment Sébastien Chabal déclarait dans une interview ne plus se souvenir de certains de ses matchs. Une phrase lourde de sens, qui relance le débat sur la dangerosité du rugby moderne. Entre professionnalisation, intensification du jeu et augmentation des commotions, le rugby est-il devenu trop violent ? Cet article fait le point, au-delà des émotions.
Un sport de contacts… et de collisions
Le rugby a toujours été un sport de contact. Mais avec le temps, il est devenu un sport de collision. Depuis 1987, le nombre de plaquages par match a bondi de 252 %. Le temps de jeu effectif augmente, les chocs sont plus fréquents et plus violents.
Les blessures les plus courantes sont les entorses, fractures, luxations et ruptures ligamentaires. Le rugby professionnel expose les corps à des contraintes physiques extrêmes, notamment dans les phases de rucks, mêlées ou plaquages à deux.
Commotions cérébrales : la vraie plaie du rugby
Une commotion cérébrale est un traumatisme du cerveau causé par un choc à la tête ou au corps. Dans le rugby, ces chocs sont fréquents. Le cas de Sébastien Chabal, qui affirme avoir perdu la mémoire de certains matchs, est loin d’être isolé.
Samuel Ezeala, ancien joueur de Clermont, a été victime d’une commotion impressionnante dès son premier match en Top 14. Comme lui, des dizaines de joueurs pros ou amateurs subissent ces traumatismes chaque année.
Selon l’association Alerte Commotions, plus de 150 000 commotions sportives sont recensées chaque année en France. Des études pointent un lien potentiel avec des maladies neurodégénératives, ce qui inquiète sérieusement le corps médical.
Un sport plus meurtrier que les autres ?
Sur la saison 2017-2018, le rugby n’était que le 34e sport le plus mortel en France. Il est donc moins létal que la boxe, l’équitation, le judo ou même le marathon. Mais les cas récents ont choqué : entre 2018 et 2019, quatre jeunes joueurs sont morts en raison de traumatismes crâniens ou cervicaux.
Ces drames, bien que rares, ont un fort retentissement médiatique et émotionnel. Ils posent la question de la responsabilité des institutions sportives face aux dangers connus.
Des règles en évolution permanente
Depuis 2012, le rugby s’est doté d’un protocole commotion. En cas de choc suspect, le joueur est sorti immédiatement pour être évalué. En parallèle, les règlements ont évolué :
- Sanction renforcée des plaquages hauts
- Encouragement aux plaquages bas
- Suspensions en cas de récidive
Mais dans les faits, ces règles peinent à suivre le rythme du jeu. La densité physique des joueurs a explosé. Les contacts sont plus intenses, le rugby est devenu plus spectaculaire… mais aussi plus risqué.
Un rugby devenu trop physique ?
Depuis le passage au professionnalisme en 1995, les joueurs sont devenus plus lourds, plus musclés, plus rapides. En moyenne, un joueur du Top 14 pèse 100 à 120 kg et court plus de 6 km par match. Le rugby est passé d’un sport d’évitement à un sport d’impact.
Les collisions font désormais partie de la stratégie : défense en ligne, plaquages collectifs, rucks violents. Cette intensité crée un paradoxe : plus on veut sécuriser le jeu, plus il devient dangereux à cause de sa puissance.
Le rugby est-il le sport collectif le plus risqué ?
Comparé au football, au basket ou au handball, le rugby enregistre plus de commotions et de blessures graves. Mais la vraie question n’est pas celle du classement des sports, mais du niveau de prévention.
En ce sens, le rugby est aussi l’un des rares à avoir mis en place un protocole médical strict et visible. Il est pionnier sur certains points… même si beaucoup reste à faire.
Conclusion : entre passion et prudence
Oui, le rugby peut être dangereux. Mais il ne l’est pas nécessairement, et pas pour tout le monde. Bien encadré, bien enseigné, bien arbitré, il reste un sport noble et formateur.
Le vrai enjeu est d’adapter en permanence les règles, les formations et la culture du jeu pour protéger les joueurs sans trahir l’essence du rugby. C’est ce difficile équilibre que le rugby moderne doit apprendre à maîtriser.